de Andrea Arnold. 2006. Angleterre. 1H53. Avec Kate Dickie, Andrew Armour, Tony Curran, Nathalie Press, Martin Compston...
Prix du Jury au Festival de Cannes 2006.
Sortie France: 06 décembre 2006, U.S.A: 13 avril 2007
FILMOGRAPHIE: Andrea Arnold, est une réalisatrice et scénariste britannique née le 5 avril 1961 à Datford dans le Kent en Angleterre. 2006 : Red Road. 2009 : Fish Tank
Trois ans avant le remarquable Fish Tank qui dépeignait avec vérité crue le portrait d'une adolescente en plein éveil sexuel et identitaire, Red Road, récompensé du Prix du Jury à Cannes, relate le douloureux parcours d'une femme esseulée, brisée par un destin meurtri, en quête désespérée d'une justice rédemptrice. Jackie est une trentenaire solitaire exerçant la profession d'opératrice d’une société de vidéo-surveillance. Chaque jour, elle scrute les faits et gestes d'invididus lambdas déambulant dans les ruelles d'une métropole anglaise. Un matin et de façon quotidienne, elle aperçoit un homme suspicieux commettant de petits larcins jusqu'au moment où il semble être en transaction avec une jeune fille marginale. Fascinée par cet homme méfiant, elle décide de partir à sa rencontre pour tenter d'en savoir plus à son égard.
Dans le même esprit de souci de réalisme filmé à la manière du documentaire, Red Road est un drame humain particulièrement inhabituel dans sa structure conditionnée à la forme d'un thriller laissant le spectateur perplexe en suspens durant les 2/3 tiers du film. En effet, les motivations de l'héroïne n'appartiennent qu'à elle seule durant la majeure partie du récit car nous ne savons rien ou si peu de ces agissements ordonnés, déraisonnés et contradictoires quand celle-ci décide d'aborder un homme suspicieux entr'aperçu à travers ses caméras de vidéo-surveillance. Cet individu marginal d'une quarantaine d'années vit reclus parmi un jeune couple dans une banlieue précaire, entre soirée arrosées et petits trafics avec délinquants de seconde zone. Jackie est une femme austère, distante et secrète vivant dans une solitude volontairement introvertie même si elle se permet de manière récurrente d'offrir son corps rigide en guise d'affection sexuelle pour les faveurs d'un collègue de travail. Après avoir aperçu cet homme mystérieux via ses caméras de vidéo surveillance, elle décide de pénétrer dans ce monde marginalisé qu'elle ne fréquentait pas et se laisse aguicher par l'homme sans indentité tout en faisant la connaissance occasionné d'un couple juvénile désorienté vivant communément en trio. Dès lors, elle n'aura de cesse de se contredire dans son état d'esprit tourmenté et hésitant voué à l'attraction / répulsion envers cet être socialement instable et inflexible cachant un pénible secret. C'est ce que nous allons enfin apprendre dans la dernière partie du métrage, au moment où un jeune fils ira se confronter physiquement avec son propre père dans un bar miteux que le récit va prendre une toute autre ampleur psychologiquement abrupte et salvatrice pour le spectateur délivré par les confidences subversives de nos personnages écorchés.
Dans son physique famélique et un regard austère étrangement attirant, Kate Dickie campe avec un naturel inné une femme bafouée, involontairement fustigée et violée au plus profond de son âme. Son parcours méticuleux et aride n'étant qu'une quête individuelle pour délivrer sa douleur insurmontable d'un épouvantable drame inéquitable. Alors que son instinct vindicatif va prendre une tournure inhabituelle en point d'orgue aléatoire pour lui permettre de renouer avec un semblant de vie normalisé. Entaché de quelques longueurs et d'un rythme langoureux qui pourrait rebuter certains spectateurs, Red Road est pourtant une remarquable introspection sur un personnage taciturne rongé par sa rancune dans son aigreur insurmontable pour cause d'une tragédie intimiste. Avec force, réalisme brut (la relation sexuelle entre les deux amants, à la limite de la pornographie, est sidérante d'authenticité viscérale !!!) et émotion sans esbroufe, ce faux thriller tourné à l'envers ne cesse d'intriguer notre questionnement avant les révélations justifiées vouées à l'humanité rugueuse de chaque personnage. Une seconde vision du film serait alors indispensable pour mieux capter et saisir toute l'essence dramatique enfouie dans le psyché intérieur de notre héroïne lamentée, obsédée par la quête de repentance potentiellement rédemptrice.
Récompenses:
. Festival de Cannes 2006 : Prix du Jury
. BAFTA 2007 : prix Carl Foreman du nouveau venu le plus prometteur pour Andrea Arnold
. BAFTA écossais 2006 : BAFTA du meilleur film, BAFTA du meilleur réalisateur, BAFTA du meilleur scénario, BAFTA du meilleur acteur dans un film écossais pour Tony Curran, BAFTA de la meilleure actrice dans un film écossais pour Kate Dickie
. British Independent Film Awards 2006 (BIFA) : prix du meilleur acteur pour Tony Curran, de la meilleure actrice pour Kate Dickie, nommé pour le prix du meilleur film, du meilleur second rôle pour Martin Compston et au Douglas Hickox Award pour Andrea Arnold
. Coup de cœur du jury au festival du film britannique de Dinard 2006
. London Critics Circle Film Awards 2007 : nommé pour le prix du meilleur film, du meilleur acteur pour Tony Curran, de la meilleure actrice pour Kate Dickie, du meilleur nouveau venu britannique de l'année pour Andrea Arnold
Festival du film de Londres 2006 : trophée Sutherland
21.03.11.
Bruno Matéï.
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