lundi 21 mars 2011

Red Road. Prix du Jury au Festival de Cannes 2006

                                             

de Andrea Arnold. 2006. Angleterre. 1h53. Avec Kate Dickie, Andrew Armour, Tony Curran, Nathalie Press, Martin Compston...

Prix du Jury au Festival de Cannes 2006.

Sortie France: 06 décembre 2006, U.S.A: 13 avril 2007

FILMOGRAPHIE: Andrea Arnold, est une réalisatrice et scénariste britannique née le 5 avril 1961 à Datford dans le Kent en Angleterre. 2006 : Red Road. 2009 : Fish Tank
                                            
Trois ans avant le remarquable Fish Tank, qui dépeignait avec une vérité crue le portrait d'une adolescente en plein éveil sexuel et identitaire, Red Road, récompensé du Prix du Jury à Cannes, relate le douloureux parcours d'une femme esseulée, brisée par un destin meurtri, en quête désespérée d'une justice rédemptrice. Jackie, trentenaire solitaire, exerce la profession d'opératrice pour une société de vidéo-surveillance. Chaque jour, elle scrute les faits et gestes d’individus lambdas déambulant dans les ruelles d'une métropole anglaise. Un matin - et de façon répétée - elle aperçoit un homme suspicieux, auteur de petits larcins, jusqu’au moment où il semble être en transaction avec une jeune fille marginale. Fascinée par cet homme méfiant, elle décide de partir à sa rencontre, pour tenter d’en savoir plus à son égard.

Dans le même souci de réalisme, filmé à la manière du documentaire, Red Road est un drame humain particulièrement inhabituel, structuré comme un thriller qui laisse le spectateur perplexe, en suspens, durant les deux tiers du film. Les motivations de l’héroïne n’appartiennent qu’à elle, et restent voilées la majeure partie du récit. Nous ne savons rien - ou si peu - de ses agissements ordonnés, déraisonnés et contradictoires, lorsqu’elle décide d’approcher cet homme entrevu à travers ses caméras. L’individu, quadragénaire marginal, vit reclus avec un jeune couple dans une banlieue précaire, entre soirées arrosées et petits trafics de seconde zone. Jackie, femme austère, distante et secrète, vit une solitude volontairement introvertie, même si elle s’accorde, à intervalles réguliers, d’offrir son corps rigide en guise d’affection sexuelle à un collègue. Après avoir repéré cet homme mystérieux, elle décide de pénétrer un monde qu’elle ne connaissait pas, et se laisse doucement aguicher par cet inconnu sans identité, tout en faisant la connaissance d’un couple juvénile désorienté, vivant à trois dans une confusion affective. Dès lors, elle ne cessera de se contredire dans son état d’esprit tourmenté, hésitant, pris entre attraction et répulsion pour cet être instable et inflexible, porteur d’un secret douloureux. Ce n’est que dans la dernière partie du métrage - lors d’une confrontation physique entre un fils et son père dans un bar miteux - que le récit prend une ampleur nouvelle, psychologiquement abrupte et salvatrice pour le spectateur, libéré par les confidences subversives de ces personnages écorchés.

Avec son physique famélique et ce regard austère, étrangement attirant, Kate Dickie incarne avec un naturel brut une femme bafouée, involontairement fustigée, violée jusqu’au tréfonds de l’âme. Son parcours méticuleux et aride n’est qu’une quête intérieure, une tentative d’exorciser une douleur insurmontable née d’un drame inéquitable. Son instinct vindicatif prend une tournure imprévisible, jusqu’à un point d’orgue instable, qui pourrait, peut-être, lui permettre de renouer avec un semblant de vie normalisée.

Entaché de quelques longueurs et d’un rythme langoureux qui pourra rebuter certains, Red Road demeure pourtant une remarquable introspection d’un personnage taciturne, rongé par la rancune et l’aigreur, consumé par une tragédie intime. Avec force, réalisme cru (la scène de sexe entre les deux amants, à la limite de la pornographie, est d’une authenticité viscérale sidérante) et une émotion sans esbroufe, ce faux thriller à l’envers ne cesse d’interroger, jusqu’aux révélations finales, livrées dans la rugosité humaine de chacun des protagonistes. Une seconde vision s’impose alors, pour mieux capter, mieux saisir, toute l’essence dramatique enfouie dans la psyché de cette héroïne lamentée, obsédée par une quête de repentance potentiellement rédemptrice.

— le cinéphile du cœur noir                                         

Récompenses:
. Festival de Cannes 2006 : Prix du Jury
. BAFTA 2007 : prix Carl Foreman du nouveau venu le plus prometteur pour Andrea Arnold
. BAFTA écossais 2006 : BAFTA du meilleur film, BAFTA du meilleur réalisateur, BAFTA du meilleur scénario, BAFTA du meilleur acteur dans un film écossais pour Tony Curran, BAFTA de la meilleure actrice dans un film écossais pour Kate Dickie
. British Independent Film Awards 2006 (BIFA) : prix du meilleur acteur pour Tony Curran, de la meilleure actrice pour Kate Dickie, nommé pour le prix du meilleur film, du meilleur second rôle pour Martin Compston et au Douglas Hickox Award pour Andrea Arnold
. Coup de cœur du jury au festival du film britannique de Dinard 2006
. London Critics Circle Film Awards 2007 : nommé pour le prix du meilleur film, du meilleur acteur pour Tony Curran, de la meilleure actrice pour Kate Dickie, du meilleur nouveau venu britannique de l'année pour Andrea Arnold
Festival du film de Londres 2006 : trophée Sutherland

21.03.11.

                                         

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