Photo empruntée sur Google, appartenant au site Ebay.fr
de Roselyne Bosch. 2009. France. 1h55. Avec : Anne Brochet, Gad Elmaleh, Isabelle Gelinas, Mélanie Laurent, Jean Reno, Sylvie Testud.
« Les larmes de l’Histoire »
Il est des films qui ne cherchent pas à divertir mais à faire mémoire. La Rafle est de ceux-là. Ce n’est pas une œuvre parfaite, mais c’est une œuvre nécessaire. Elle avance comme une blessure que l’on n’a jamais refermée, un cri contenu dans les silences de l’Histoire. Et à travers elle, Roselyne Bosch tente — avec sincérité, parfois avec emphase — de donner un visage, une chair, une humanité aux ombres du Vel d’Hiv.
Dès les premières images, le film installe une fragilité lumineuse, presque trompeuse : les jeux d’enfants dans un Paris encore insouciant, les dialogues tendres dans les familles juives, les espoirs modestes d’un quotidien ordinaire. C’est cette normalité même qui rend l’effondrement d’autant plus brutal. L’innocence est précipitée dans l’abîme sans tambour ni avertissement. Et c’est là que le film trouve sa vérité : dans ce glissement progressif de la lumière vers l’horreur.
Les acteurs portent cette mémoire avec justesse. Mélanie Laurent, infirmière silencieuse et combative, est l’âme discrète du récit. Gad Elmaleh, dans un contre-emploi bouleversant, incarne un père broyé par l’indicible. Et Jean Reno, en médecin las, semble observer le désastre comme on regarde une marée noire avancer, impuissant.
Mais ce sont surtout les enfants qui percent l’écran. Leur regard — celui de Joseph, d’Anna, de tous les petits effacés — est celui de l’Histoire elle-même, qui nous demande : Où étiez-vous ? Qui étiez-vous, pendant que nous disparaissions ? Il n’y a pas de réponse. Il n’y a que le silence, et les larmes.
Certes, le film ne fait pas dans la nuance. Il use parfois de musique insistante, de dialogues explicites, de larmes soulignées. Mais peut-on vraiment reprocher à une œuvre d’avoir le cœur trop plein ? La Rafle n’est pas un film froid ou distancié — c’est une élégie en colère, un poème de cendre et de lumière, qui hurle que ces enfants ont existé. Qu’ils aimaient, qu’ils rêvaient, qu’ils ont été trahis.
En sortant du film, on n’applaudit pas. On se tait. Comme dans un cimetière. Et peut-être est-ce cela, au fond, la réussite la plus profonde du film : nous rendre le poids des noms, des visages, des destins — non pas comme des chiffres d’archives, mais comme des absents pleurés.
27/07/10.
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