mercredi 23 mars 2011

Harry Brown

               
de Daniel Barber. 2009. Angleterre. 1h43. Avec Michael Caine, Emily Mortimer, Liam Cunningham, Iain Glen, Jack O'Connell, Charlie Creed-Miles, Ben Drew, David Bradley, Raza Jaffrey, Joseph Gilgun...

Date de Sortie. France: 12 janvier 2011 / U.S.A: 30 avril 2010

FILMOGRAPHIE: Daniel Barber est un réalisateur britannique. 2007: The Tonto Woman (court-métrage). 2009: Harry Brown.

                                           

Sur les traces d'Un Justicier dans la ville, Vigilante, le Droit de tuer ou plus récemment l'excellent hommage Death Sentence, ce premier film du réalisateur anglais Daniel Barber renoue avec la violence hardcore, abrupte et poisseuse du Vigilante movie sur fond de malaise des banlieues. Et ce sans ne jamais verser dans la surenchère racoleuse comme il est généralement requis chez les films d'exploitations. Ainsi, cet électro-choc subversif s'avère d'une puissance dramatique rarement illustrée de manière aussi clinique pour le genre (stigmatisé) de l'auto-défense, trop souvent engagé dans le pur divertissement réac (pour ne pas dire fascisant). Le Pitch: Après le décès de sa femme gravement malade, Harry est un retraité reclus dans l'immeuble précaire de son quartier contrôlé par la délinquance environnante. Profondément peiné de la disparition de sa défunte, il coule des jours langoureux en compagnie de son ancien ami Léonard en se remémorant avec nostalgie son passé idyllique entre deux parties d'échec. Un jour, Léonard résidant dans le même bâtiment lui avoue avec désespoir son ras le bol de devoir faire face à une bandes de jeunes désoeuvrés qui ne vivent que pour la violence, via leurs récurrents règlements de compte faute de trafics de drogue. Le lendemain de leur discussion, la police dépêchée au domicile de Harry lui apprend que son ami a été retrouvé sauvagement assassiné sous un tunnel à proximité de leur building. De surcroît, il aura fallu un autre incident majeur portant atteinte cette fois-ci à Harry pour que l'homme déchu se transforme en justicier vindicatif.

VIOLENT SHIT.
Ainsi, à travers une mise en scène rugueuse impeccablement maîtrisée portant une sensible attention à l'humanité meurtrie de ses personnages, Harry Brown nous emmène droit en enfer, au coeur d'un problème de société davantage expansif et sinistré: la montée de l'ultra-violence par l'entremise de la délinquance juvénile. Dès le âpre préambule, filmé caméra tremblotante à l'épaule, le ton est donné ! Un acte de violence lâchement gratuit est brutalement perpétré envers une mère de famille horrifiée ! Alors que sa conclusion ironiquement percutante ciblant nos meurtriers décervelés nous surprend de façon impondérable de par sa pathétique destinée involontairement fustigée. Sans compromis et refus du spectaculaire pétaradant, car avec souci de véracité proche du documentaire, Harry Brown nous entraîne irrémédiablement dans la moiteur d'un climat malsain tangible, sordide et poisseux octroyé à une folie meurtrière d'un nihilisme confondant ! Si bien que le cheminement mortuaire de ce retraité pacifiste et docile de prime abord demeure une langoureuse épreuve suicidaire afin d'y rétablir la justice individuelle au sein d'un monde putride en état d'agonie ! Chaque personnage marginal que Harry côtoie étant incarné par des comédiens sidérants d'authenticité de par leur charisme fétide de trogne burinée, fracassé d'une existence en déliquescence et ravagé par le fléau de la drogue dure. Des brutes psychotiques se vautrant en toute négligence dans l'insalubrité uniquement destinées à l'auto-destruction et l'addiction refoulée de la violence immorale. Des acteurs faméliques si criant de vérité que l'on en vient même à se demander s'il ne s'agit pas de véritables toxicomanes jouant leur propre rôle face l'écran ! A titre d'exemple imparable, la séquence qui voit Harry Brown pénétrer dans l'enceinte d'un appartement crasseux suintant la puanteur et l'écume auquel deux camés ont maltraité une jeune prostituée après avoir filmé leurs ébats sexuels s'avère sidérant de malaise persuasif. Une atmosphère licencieuse est dévouée à s'insinuer lentement à travers notre psyché tourmentée avant l'explosion de violence aussi explicite que radicale !
                             
Par conséquent, ce parcours funeste dirigé avec autorité par un cinéaste consciencieux démontre avec un esprit de maturité et une puissance dramatique acérée le cheminement de certains protagonistes épaulés par leur moralité mais irrésolus, impuissants face à la sauvagerie d'une jeunesse qu'ils ne comprennent plus. Un triste constat déloyal nous est donc établi sans détour si bien que la communication est définitivement rompue à travers l'intolérance des deux camps rivaux pour cause d'une parité davantage discriminatoire et tendancieuse. Alors que certains parents incriminés et responsables sont également de la partie pour déraciner une société laxiste en chute libre, sans déontologie, pratiquant une violence punitive sauvagement rétorquée. C'est l'immense Michael Caine qui s'accapare de l'écran avec une austérité amère pour envoûter chaque séquence dans la déchéance humaine de ces quidams toxicos et meurtriers qu'il combat sans restriction. Une imposante présence humaine chétive car n'oubliant jamais sa dignité empathique (voir la séquence où il décide de sauver une jeune fille droguée en allant la déposer devant l'entrée d'un hôpital) pour un homme soudainement laminé par le poison de la violence gratuitement perpétrée. Un vengeur spectral et méthodique étrangement diabolisé par l'emprise de la haine, l'iniquité et la rancoeur. Ce qui aura pour conséquence irréversible d'alimenter sa vengeance expéditive. Démuni de ceux qu'ils chérissaient, anéanti par la perte de son vieil ami sauvagement assassiné dans des conditions atroces, l'acteur habité par sa souffrance élégiaque nous envoie en pleine face son malaise insurmontable de devoir nécessairement affronter en ange exterminateur des jeunes délinquants réduits à l'état primal. 

TOUTE SOCIETE ENGENDRE LES CRIMES QU'ELLE MERITE.
Nonobstant un final futilement conventionnel dans son effet de suspense escompté, Harry Brown est un cauchemar urbain d'une aura viscérale suffocante. Noyé d'un pessimisme alarmant, le film profondément dérangeant dépeint avec une vérité aride qui laisse sur les rotules un terrifiant sentiment d'échec sur la délinquance juvénile. Un tableau tristement actuel sur cette jeunesse désoeuvrée réfugiée dans la drogue et la banalité de la mort, totalement désorientée d'un avenir impondérable et négligeable, et donc davantage enracinée dans leur révolte aliénée. Alors que les forces de l'ordre ordonnées à éradiquer les émeutes intempestives se regroupent machinalement à une guerre sans merci pour un scénario stéréotypé qui ne fera que se répéter à l'infini. Et ce n'est pas au final les résultats insidieux des chiffres prometteurs de la baisse de la délinquance qui viendront nous réconforter sur l'avenir d'une génération sacrifiée, prête à y ordonner le chaos ! Proprement effrayant de lucidité, tristement actuel et implacablement dévastateur !

Dédicace à Philippe Beun-Garbe et Daniel Aprin.
23.03.11
Bruno Matéï.
                     
                                       

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