mercredi 16 mars 2011

Le Convoi de la Peur / Sorcerer

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site hexdimension.com

de William Friedkin. 1977. 2h01. U.S.A. Avec Roy Scheider, Bruno Cremer, Francisco Rabal, Amidou, Ramon Bieri, Peter Capell, Karl John, Frederick Ledebur, Chico Martinez.

Sortie salles France: 15 Novembre 1978. U.S: 24 Juin 1977

FILMOGRAPHIE: William Friedkin est un réalisateur, scénariste et producteur de film américain, né le 29 août 1935 à Chicago (Illinois, États-Unis). Il débute sa carrière en 1967 avec une comédie musicale, Good Times. C'est en 1971 et 1973 qu'il connaîtra la consécration du public et de la critique avec French Connection et L'Exorciste, tous deux récompensés aux Oscars d'Hollywood.
1967: Good Times. 1968: l'Anniversaire. 1968: The Night they Raided Minsky's. 1970: Les Garçons de la bande. 1971: French Connection. 1973: l'Exorciste. 1977: Le Convoi de la peur. 1978: Têtes vides cherchent coffres pleins. 1980: The Cruising. 1983: Le Coup du Siècle. 1985: Police Fédérale Los Angeles. 1988: Le Sang du Châtiment. 1990: La Nurse. 1994: Blue Chips. 1995: Jade. 2000: l'Enfer du Devoir. 2003: Traqué. 2006: Bug. 2012: Killer Joe.

Échec commercial cinglant à sa sortie (au moment même où Star Wars monopolise les écrans), Le Convoi de la Peur est une œuvre maudite, d’autant plus invisible sur nos chaînes TV, longtemps bannie du support numérique. Jusqu’à ce qu’un Blu-ray édité chez Warner l’exhume enfin de sa torpeur. Déclinaison — non pas remake — du Salaire de la Peur de Clouzot, l’œuvre sépulcrale de Friedkin se donne les moyens de l’envergure pour accoucher d’un récit d’aventures haletant, tourné aux quatre coins du monde (Nouveau-Mexique, République dominicaine, New Jersey, Jérusalem, Mexico et Paris, excusez du peu !).

Soutenu par le score envoûtant de Tangerine Dream, qui insuffle aux images une dimension quasi mystique, Le Convoi de la Peur condense l’odyssée cauchemardesque de quatre escrocs contraints de transporter de la nitroglycérine à bord de deux camions, afin d’endiguer un incendie de pétrole. Pour ce faire, ils doivent traverser une jungle impénétrable, où embûches et intempéries décuplent leur calvaire. Richement rémunérés, ces hommes burnés s’embarquent dans cette mission suicide pour regagner une liberté qu’ils ont perdue en fuyant la justice, exilés en Amérique du Sud.

Richement documenté et d’un réalisme saisissant, autant dans sa première partie — posant les personnages et leur point de convergence dans une raffinerie — que dans son deuxième acte, illustrant leur périple insensé à travers la cambrousse, Le Convoi de la Peur trace une ligne de conduite rigoureuse, soucieuse du moindre détail.

Travail géométrique qu’un Friedkin au sommet affine avec une maîtrise féroce, pour mieux s’immerger dans les angoisses de ses personnages — la crispation avec laquelle ils livrent bataille contre les forces de la nature nous laisse les mains moites. La jungle, naturaliste et étrangement hostile, devient souffle épique lors de ses déchaînements climatiques, et ses séquences anthologiques nous clouent les yeux grands ouverts. À l’instar de la traversée du pont : séquence dantesque, supra-virtuose, aussi intense que visuellement éprouvante (déluge pluvial à l’appui), où nos anti-héros, stoïques, avancent en funambules du désespoir. Il faut le voir pour le croire, tant les protagonistes — et Friedkin lui-même — se transcendent pour atteindre une forme d’authenticité brute, rarement égalée.

Ce voyage au bout de l’enfer est filmé au plus près de leurs névroses, car tous plongés dans une épreuve de force où la folie rôde, prête à contaminer les chairs. Confrontés à des situations aussi risquées que disproportionnées, il s’agit ici d’un dépassement de soi, d’un retour à l’instinct primaire, d’un refus de rebrousser chemin pour empocher un butin empoisonné. Cette traversée impossible au cœur d’un enfer vert — redoutablement pernicieux (Victor Manzon/Bruno Cremer, soudainement pris à partie par les branches d’arbres qui enserrent son camion) — s’érige alors en fable sur l’aliénation et le désir de rédemption, quand l’homme dépasse ses limites physiques et morales jusqu’à défier la logique même. Car tel un spectre livide, Jackie Scanlon (Roy Scheider) finit par être hanté de visions d’horreur, ressortant littéralement traumatisé de l’expérience.


Dernière danse avant de mourir. 
Superbement réalisé, esthétiquement fascinant (Friedkin ausculte la jungle comme un dédale malfaisant), Le Convoi de la Peur est un cauchemar sensoriel et implacable, animé d’une intensité asphyxiante à couper le souffle. Une plongée hallucinée dans l’âme humaine, au cœur d’un environnement indomptable, pour ces fantômes stoïques gagnés par le surpassement, mais irrémédiablement rattrapés par leur corruption. Un chef-d’œuvre d’aventure naturaliste, aussi crépusculaire qu’horrifique, d’une fulgurance sauvage difficilement égalable. Il faut le voir pour le croire — et l’endurer pour n’en jamais ressortir indemne, comme le souligne sa conclusion, aussi illusoire que funèbre.
             
Note Wikipedia: William Friedkin souhaitait initialement confier le rôle principal à Steve McQueen. Ce dernier était d'accord pour l'endosser à la seule condition que sa femme, Ali MacGraw, se voit confier un des rôles principaux. Le cinéaste refusa et Steve McQueen quitta le projet. Par la suite, William Friedkin a annoncé avoir regretté ne pas avoir accepté ces conditions.

*Bruno
17.05.24. 4èx. Vostf
12.05.14. 
07/06/10.





3 commentaires:

  1. La dernière note à propos de Steve est absolument hallucinante , mais rien d'étonnant de la part d'acteurs au sommet de leur gloire, une tête comme un melon
    devient en soi une marque de fabrique déposée chez les acteurs.

    Encore bravo pour cette critique qui réhabilite ce bijou,
    encore qu'il n'est question de le mettre sous le prisme
    de son indétrônable ainé ' à juste titre) car c'est une libre inspiration venant d'un artiste à cent lieux des considérations mercantiles ou médailles oscarisantes.
    Il suffit de regarder sa filmo pour s'apercevoir de l'authenticité de l'artiste.

    La scène du pont suspendue ( et tu as eu raison de le souligner) avec la musique des Tangerine dream est magistrale et montre à que point ce type est doué pour le suspense .
    pouvons nous encore en douter?

    Petit bémol cependant entre Roy et Bruno qui de toute évidence ne se comprenaientt pas du tout ( la langue).
    cela se sent à la lecture.
    Et la première partie du film qui s'achève brutalement comme pour dire , maintenant ça commence.
    La transition semble sciée à la machette.

    Note; La présence de Joe Spinell au générique du film poussera les plus avertis et consciencieux à déterminer ou il apparaît….AH AH ( cela bout dans les cafetières).

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  2. Lino Ventura et Marcelo Mastroianni devaient completer le casting aux côtés de Steve McQueen...belle chronique!

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  3. Je l'ai justement appris hier de la part de Daniel Aprin.
    Merci beaucoup ^^

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