mardi 15 mars 2011

DUPONT LAJOIE

                                   

d'Yves Boisset. 1975. France. 1H43. Avec Jean Carmet, Pierre Tornade, Isabelle Huppert, Jean Bouise, Michel Peyrelon, Ginette Garcin, Pascale Roberts, Robert Castel, Victor Lanoux, Jacques Villeret.

L'ARGUMENT: Un cafetier parisien parti en vacances avec sa femme viole et tue la fille d'un couple d'amis. Afin de maquiller sa culpabilité, celui-ci décide de faire porter le chapeau de son crime par un Maghrébin employé sur un chantier voisin.

                                           

MON AVIS: Ives Boisset est un réalisateur discret et talentueux qui ne connut pas la renommée qu'il méritait, un peu à la manière d'un autre grand du cinéma social: Serge Leroy.
Il réalise plus de 17 Films (et une plétore de métrages T.V) dont les plus essentiels resteront "Le saut de l'ange", "Folle à tuer", "Un Taxi mauve", "R.A.S", "Le Juge Fayard dit le Shériff", "La Femme flic", "Allons z'enfant", "Canicule" puis "Le Prix du danger".

"Dupont Lajoie", charge sociale brutale anti-conformiste est un puissant plaidoyer contre le racisme, une dénonciation brute sans effet de style qui n'ira pas par quatre chemin pour dépeindre à travers les vacances festives ensoleillées de paisibles citoyens venus s'évader le temps de leur congé une France profonde engluée dans ses préjugés, sa haine de l'étranger et sa médiocrité morale primaire autant pour ce triste tableau évoqué que la police permissive et ces politiciens lachement laxistes. Autant dire que tout le monde en prendra ici pour son grade.

Un cafetier (l'immense jean carmet dans un rôle monstrueux) parti en vacances avec sa paisible famille dans un camping populiste profitera de l'attention accordée aux jeux populaires traditionnels du village de la région pour se balader aux environs reculés campagnards et retrouver la jeune fille allumeuse de la famille des Colin (la débutante et naturellement belle Isabelle Hupert), allongée paisiblement demi-nue dans un discret coin de verdure.
Pris d'une pulsion sexuelle incontrolée, il décide de se lacher dans ses bas instincts pervers, voyeuristes et obsessionnels pour la violer et commettre un second acte irréversible: la tuer froidement par accident.
Il décide alors de se débarrasser du corps pour le déposer dans un chantier voisin, là ou des immigrés s'y sont récemment installés.

                                           

Yves Boisset dénonce avec réalisme et sincérité le portrait pathétique d'une poignée de vacanciers racistes, qui, épris de lâcheté, colère envahissante, langues de vipères déliées et rancune tenace vont se soumettre à une chasse à l'homme démesurée pour tenter de retrouver le fameux présumé coupable de ce meurtre crapuleux. Persuadés qu'il s'agit d'un des étrangers du chantier, à leur tour ils vont commettre l'impardonnable: lyncher violemment et aveuglément d'innocents maghrébins expatriés de leur pays d'origine et tuer froidement l'un des leurs dans un déchainement de violence commise en réunion.
Le metteur en scène alarmé et sensible aux problèmes raciaux décrit avec beaucoup de vérité dans cette période estivale chaleureuse et bon enfant du "camping du soleil" d'une France du début des années 70, l'assemblée de français moyens incultes, méprisants, autoritaires envers l'étranger.
Le moindre prétexte pour tenter de les condamner (la bagarre dans le bal) n'est qu'une astuce de plus pour enrayer la venue de ces paisibles algériens incapables de se combiner, se solidariser, se familiariser avec ces voisins enracinés dans leur pays natal. Le manque de communication, l'impossibilité d'être à l'écoute de celui que l'on ignore, l'incapacité à comprendre celui qui a osé pénétrer dans un pays étranger au sien. Toute cette agitation endoctrinée par la douleur d'un deuil soudain, cette contagion aveuglée par leur besoin de violence revancharde va mener cette ignoble farce dans une terrible impasse ou personne ne sortira victorieux mais vaincu. La vengeance n'étant qu'un acte supplémentaire pour se perdre dans les méandres du Mal et ainsi noircir, souiller l'âme de l'innocence dans une conclusion nihiliste indigne et radicale.

Servi par une mise en scène ancrée dans la réalité des années 70 et d'étonnants acteurs investis qu'on a l'habitude de voir dans un registre plus léger, "Dupont Lajoie" ne perdra malheureusement jamais de son impact pour une actualité si brûlante. Il reste une oeuvre essentielle, un témoignage fort et violent sur la montée progressive du racisme au début de cette décennie qui ne mènera au bout du compte qu'à la haine et la violence déployée, purement et pitoyablement gratuite.

                                    

NOTE: Ours d'argent spécial du jury au Festival international du film de Berlin de 1975 Prix du jury des lecteurs du Morgenpost au Festival international du film de Berlin de 1975 Recommandation Interfilm au Festival international du film de Berlin de 1975
Le film s’inspire en partie de la vague de meurtres racistes commis dans le sud de la France au début des années 70, notamment à Marseille durant l’été 1973.

22.06.10

3 commentaires:

  1. Ce film magistal d'Yves Boisset est toujours d'actualité. Il représente la France dans sa Totalité.

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  2. Dans sa totalité surement pas , je note que le nombre de films peignant
    les français comme racistes virulents et indécrottables étaient surtout
    une manière facile de surfer sur une mode dans le milieu du cinéma.

    pas ce film , dont la critique est est ici parfaite , mais ceux qui suivront
    des decénies durant feront du bois de chauffe en étalant des couches jusqu'à la nausée en dressant un portrait dépassé des français en étant contre productif jusqu'à l'indigestion nauséabonde qui fera devenir certains étrangers racistes à leur tour.

    Des raisons mercantiles au service du pognon roi qui se foutent de la cohésion sociale.

    Ce film n'est plus d'actualité mais reflète une certaine époque.
    En cela il est important de le voir car il est bien foutu et superbement interprété.

    Si le racisme vous intéresse je vous conseille de voyager un peu, et lorsque vous reviendrai vous comprendrai pourquoi la France double sa population en été.

    ILs ne sont pas tous en bas de la tour Eiffel , croyez moi.

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  3. Jean Carmet au sommet, son meilleur rôle pour moi avant la controverse de Valladolid

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